En Belgique, une réforme fiscale importante entrera en vigueur dès 2026 : la taxation des plus-values sur actions. Un impôt de 10 % s’appliquera aux plus-values réalisées par des personnes physiques lors de la cession d’actions, avec un régime progressif pour les participations supérieures à 20 %, assorti de plusieurs exonérations (jusqu’à 1 million d’euros dans certains cas). Si cette réforme poursuit un objectif affiché de justice fiscale, elle suscite des interrogations légitimes. Faut-il craindre un effondrement des transmissions de PME ? Certainement pas. Mais le cadre proposé nécessite des ajustements pour éviter des effets contreproductifs.
Un impôt modéré, dans un environnement déjà fortement fiscalisé
Il convient de reconnaître que la taxation des plus-values peut s’inscrire dans une logique d’équité. Le taux de 10 %, avec ses exonérations, reste inférieur à celui pratiqué dans de nombreux pays voisins. Toutefois, il s’intègre dans un système fiscal belge déjà parmi les plus lourds d’Europe, en particulier en ce qui concerne la fiscalité sur le travail. Il serait pertinent de réfléchir à une révision globale de notre fiscalité, afin d’alléger la pression sur les revenus professionnels, de stimuler l’entrepreneuriat et de renforcer notre compétitivité.
Une méthode de valorisation perfectible
La méthode retenue par défaut (EBITDA x4) ne reflète pas la diversité des entreprises ni la complexité des situations de transmission. Elle ne tient pas compte des particularités sectorielles, de la taille, de la croissance ou de l’immatériel. La formule alternative mentionnée dans certains textes – fonds propres + 4 × EBITDA – pose également question : elle additionne deux approches conceptuellement distinctes (valeur patrimoniale et valeur de rendement), ce qui pourrait générer des évaluations incohérentes.
De plus, le manque de clarté sur les agrégats retenus (quels correctifs sur les fonds propres ou l’EBITDA ?) accroît l’incertitude. L’ensemble pourrait conduire à des valorisations éloignées des pratiques de marché.
Comme l’exprimait récemment un investisseur sur LinkedIn :
"On minimise les plus-values sur les sociétés d’hier, et on maximise celles sur les entreprises en développement. Cela interroge sur le signal envoyé aux acteurs qui innovent, investissent et créent de l’emploi. »
Nous, membres de l’UPIC, souhaitons rappeler qu’il existe des professionnels qualifiés pour évaluer une entreprise de manière juste et nuancée : les intermédiaires spécialisés en cession, actifs sur le terrain, à l’écoute des réalités économiques. Il serait logique et constructif de leur reconnaître un rôle dans le processus de valorisation.
Encourager la confiance et la confidentialité
L’un des points sensibles du texte est l’obligation faite à certains professionnels de signaler les transactions, ce qui risque de fragiliser le climat de confiance indispensable à toute opération de transmission. La confidentialité est un fondement essentiel de notre métier. Si des obligations de transparence fiscale doivent être mises en œuvre, elles doivent être proportionnées, encadrées, et respecter les équilibres professionnels.
Une réforme qui appelle à l’adaptation
Nous ne pensons pas que cette réforme bloquera les transmissions. Mais elle pourrait provoquer un phénomène de précipitation suivi d’un ralentissement temporaire. Le plus important est que les entrepreneurs puissent anticiper, être accompagnés, et disposer d’un cadre clair et prévisible.
Les raisons d’une cession sont multiples : âge, santé, réorientation professionnelle ou envie de transmettre à un successeur motivé. Ces motivations resteront valables après 2026, à condition que la fiscalité ne devienne pas un obstacle administratif ou psychologique.
Défendre l’intérêt des actionnaires de PME
Notre engagement est clair : défendre les intérêts des actionnaires de PME. Ceux qui ont créé, développé, investi et maintenu des emplois locaux. Ils ne sont ni des spéculateurs, ni des opérateurs de court terme. Ce sont des bâtisseurs, dont la contribution à l’économie mérite reconnaissance et accompagnement.
Une transmission est bien plus qu’un calcul
Nous le constatons chaque jour sur le terrain :
« Le processus de transmission d’une PME est tout sauf une opération standard. Nous sommes avant tout des facilitateurs et des tiers de confiance au service de la pérennité économique de l’entreprise que nous accompagnons à la vente ou à l’achat. »
« Notre mission consiste à trouver la contrepartie et atteindre le « juste prix » d’une entreprise pour les cédants, à structurer équitablement les transactions, à rapprocher cédants et repreneurs, et à sécuriser juridiquement et financièrement des opérations souvent complexes. »
« Chaque dossier de cession est unique, empreint de considérations techniques (audit, financement, garantie) mais aussi humaines (histoire familiale, attachement au personnel, ancrage local). Réduire ces opérations à une simple mécanique de fixation de prix pour en déduire une plus-value financière, c’est faire fi de toute la dimension entrepreneuriale et sociétale qu’elles recouvrent. »
« On ne vend pas la société que l’on a fondée et fait prospérer pendant 20, 30 ou 40 ans avec la légèreté d’un investisseur boursier réalisant une plus-value anonyme. Il y a là une charge émotionnelle immense, un engagement personnel qui dépasse de loin le seul enjeu financier. »
« De même, le repreneur qui investit dans une PME le fait rarement dans une optique spéculative : il s’agit pour lui de reprendre le flambeau, de poursuivre un développement, de réaliser à son tour un projet entrepreneurial. »
« Plus que jamais, les cédants doivent être accompagnés de professionnels focalisés exclusivement sur l’opération ciblée ». Peut-être l’opération d’une vie.
En conclusion : un appel à l’écoute et à l’équilibre
La fiscalité des plus-values peut être un instrument pertinent dans une politique budgétaire cohérente. Mais elle doit être conçue avec nuance, en tenant compte des réalités économiques, des bonnes pratiques et du rôle des acteurs de terrain. Il serait donc notamment logique et constructif d’accorder aux intermédiaires spécialisés en cession et transmission un rôle dans le processus de valorisation des sociétés.
Nous appelons à un dialogue ouvert avec les autorités pour garantir un cadre équilibré, respectueux des PME, encourageant les transmissions réussies et soutenant la vitalité de notre tissu entrepreneurial.
L’UPIC, Union des Professionnels Intermédiaires en Cession d’Entreprise, représente les experts du secteur qui œuvrent au quotidien pour des transmissions d’entreprise réussies, humaines, et structurées.
Par Samuel RIZZO, Président de l'UPIC, et Gilles SPIRLET, Vice-Président de l'UPIC
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